Entretien avec monsieur Depasse, infirmier en chef et le docteur Verschaeve du Grand Hôpital de Charleroi au sujet de l’expérience des soins à domicile
Le Grand Hôpital de Charleroi (GHDC) organise depuis 2016 l’administration de traitements antitumoraux à domicile. Les infirmiers spécialisés en oncologie de l’hôpital se déplacent chez les patients pour administrer une thérapie anticancéreuse par voie orale, sous-cutanée ou intraveineuse d’une courte durée.
Le projet de construction d’un nouvel hôpital a donné l’impulsion pour redessiner complètement l’organisation de l’hôpital de jour. A ce moment-là, il y avait déjà un centre de traitement ambulatoire pour les traitements médicamenteux dont l’administration ne nécessitait pas une surveillance médicale directe et permanente. L’équipe d’oncologie et la direction de l’hôpital ont travaillé ensemble sur un projet pour administrer ces traitements antitumoraux hors des murs de l’hôpital.
Les infirmiers spécialisés en oncologie de l’hôpital se déplacent au domicile des patients. Il y avait plusieurs raisons pour confier l’administration à domicile aux infirmiers de l’hôpital spécialisés en oncologie. Les infirmiers spécialisés accompagnent de façon optimale les patients atteints d’un cancer. Ils donnent toutes les informations importantes concernant la thérapie et ses effets secondaires. L’équipe dispose de tout le matériel nécessaire pour l’administration en toute sécurité d’un traitement antitumoral. Les infirmiers ramènent les déchets et les restes de médicaments à l’hôpital qui dispose des facilités nécessaires pour détruire ces déchets.
Toutes les personnes concernées ont travaillé ensemble pour réaliser un protocole spécifique par mode d’administration. Les processus pour le transport des médicaments ont été préparés en étroite collaboration entre les médecins prescripteurs, les infirmiers spécialisés en oncologie et le pharmacien de l’hôpital. Tous les processus ont été modélisés et présentés sous forme de schéma. Pour chaque action, un responsable est désigné et une durée de temps définie. L’infirmier coordinateur organise le bon fonctionnement de l’administration à domicile et garde une vue d’ensemble.
Une concertation très régulière avec les fédérations des médecins généralistes était organisée. Les généralistes sont responsables des patients hors des murs de l’hôpital. Les oncologues sont responsables de la thérapie antitumorale, également quand celle-ci est administrée au domicile du patient. Pouvoir discuter de ces sujets entre professionnels de santé de l’hôpital et de la première ligne est important.
Pour des raisons pratiques, l’administration de traitements antitumoraux à domicile n’est proposée qu’à des patients qui habitent dans un rayon de maximum 20 kilomètres autour de l’hôpital. L’accord du médecin généraliste est toujours demandé. Un projet d’administration à domicile ne peut commencer qu’après un avis positif du médecin généraliste. Si une fois sur place, l’équipe d’oncologie constate que le contexte social ou d’hygiène rend une administration à domicile sécurisée impossible, le projet s’arrête immédiatement pour le patient en question. L’équipe du GHDC administre des thérapies antitumorales par voie orale, sous-cutanée et intraveineuse d’une durée courte au domicile de patients. La durée maximale d’une perfusion intraveineuse à domicile est d’une heure. L’infirmier reste alors environ une heure et demie sur place.
Le premier cycle d’un traitement antitumoral est toujours administré entièrement à l’hôpital. Pour une immunothérapie, les premiers six mois sont administrés à l’hôpital. Si l’administration du traitement à l’hôpital se déroule sans problèmes particuliers, alors l’administration à domicile et à l’hôpital peuvent alterner. La fréquence est spécifique à chaque thérapie.
Afin de transporter les médicaments de façon sécurisée de l’hôpital vers les patients, les infirmiers spécialisés en oncologie disposent d’un véhicule spécialement aménagé. Dans ce véhicule se trouvent une installation frigorifique et des enregistreurs de température. Chaque soir, l’équipe d’oncologie communique à la pharmacie les médicaments dont elle a besoin pour l’administration à domicile du lendemain.
Les infirmiers informent l’oncologue et le médecin généraliste de tous les effets secondaires modérés ou sévères qu’ils ont constatés lors de la visite à domicile. Les infirmiers peuvent planifier une visite à domicile supplémentaire pour soulager certains effets secondaires (par exemple : pour une mucite par laser). Chaque patient a un dossier papier qui fonctionne comme un journal de bord. Tous les professionnels de santé notent leurs observations et remarques à chaque rendez-vous avec le patient.
"C'est un projet merveilleux avec le patient au centre. Il est traité dans son environnement familial avec une sécurité optimale."
Pour les patients, l’administration à domicile de traitements antitumoraux représente un avantage énorme. Un traitement anticancéreux est très lourd et rend les patients plus vulnérables et fatigués. Les patients apprécient grandement que les trajets éprouvants vers l’hôpital soient évités le plus possible. Pour les infirmiers qui soignent les patients à domicile, l’administration à domicile est également une expérience positive.
L’administration à domicile décharge l’hôpital de jour. Ceci est important car dans le nouveau bâtiment, l’hôpital de jour sera d’un espace plus réduit avec moins de lits.
Tous les frais pour l’organisation de l’administration à domicile sont à la charge de l’hôpital, ce qui représente une charge financière importante. La direction et l’équipe d’oncologie restent néanmoins convaincues des avantages importants de l’administration à domicile. Tout le personnel reste motivé pour continuer à offrir aux patients ayant un cancer, une administration de soins à domicile de qualité et en toute sécurité.
L’administration à domicile de traitements antitumoraux est un magnifique projet qui se construit en intégrant le patient au centre. C’est une belle opportunité pour améliorer la collaboration et la cohésion entre l’hôpital et les professionnels de la première ligne. Malheureusement, l’administration à domicile ne pourra guère plus se développer en l’absence de cadre financier adéquat et légal gouvernemental.